Le tombeau d'Aphrodite - Version 4
Rappelez-vous l’objet que nous vîmes, mon âme, ce beau matin d’été si doux : Au détour d’un sentier une charogne infâme Sur un lit semé de cailloux, Les jambes en l’air, comme une femme lubrique, brûlante et suant les poisons, ouvrait d’une façon nonchalante et cynique Son ventre plein d’exhalaisons. Le soleil rayonnait sur cette pourriture, Comme afin de cuire à point, Et de rendre au centuple à la grande Nature Tout ce qu ‘ensemble elle avait joint… Et pourtant vous serez semblable à cette ordure, A cette horrible infection, Etoile de mes yeux, soleil de ma nature, Vous, mon ange et ma passion ! Oui ! telle vous serez, ô la reine des grâces, Après les derniers sacrements, Quand vous irez, sous l’herbe et les floraisons grasses, Moisir parmi les ossements. Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine Qui vous mangera de baisers, Que j’ai gardé la forme et l’essence divine De mes amours décomposés ! Une charogne Charles.Baudelaire
Mot-clé: